This Is Not A Love Song festival - Edition 2016

 

Nîmes est une ville où, musicalement, il ne se passe quasiment rien au long de l'année. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les bénévoles que j'ai pu rencontrer. Le sud-est, dans l'ensemble, est plus porté sur la villégiature au grand air que sur la culture undergound. Et le maintien de la pierre romaine, couteux héritage de la Grande Histoire, pompe le budget culture qu'il faut renflouer en misant sur la générosité du touriste connu pour lacher plus de maille qu'un folkeux indé à un rayon merchandising - celui-ci étant toujours capable de se trouver de bonnes excuses pour ne pas acheter ce tote bag sur lequel il bave depuis 5 minutes, qu'un père de famille ne résiste pas 30 secondes aux cris du gosse qui VEUT sa vanille-fraise. Bref, tout ça pour écrire que This Is Not A Love Song Festival fait office de casse-stéréotype dans le paysage local - et en plus il s'y prend bien.
Depuis 4 ans, la programmation est pointue mais fédératrice, underground sans être élitiste, avec du groupe tout frais et du plus expérimenté. Posé au milieu d'un no man's land à 15 minutes du centre de Nîmes, le site n'est pas très grand, mais contient quand même 4 scènes et ce qu'il faut de buvettes et de food trucks. Alors forcément, on y a vite ses repères.


On ne va pas se mentir, l'impasse a été fait sur le vendredi. La faute à un programme perso chargé, mais aussi à des Explosions in the Sky ayant produit un dernier album tiède d'une musique à la base pas très scènique, de Battles ayant déçu la dernière fois et de Foals n'ayant plus la mana de leurs débuts. Mais c'était aussi passer à coté de Ty Segall, Car Seat Headrest et de Kamasi Washington qui aura apparemment mis tout le monde d'accord pour avoir réussi l'un des meilleurs concert du festival. Tant pis.

 

Le programme de la visite commence avec Lush, groupe shoegaze-pop tout juste reformé après s'être séparé en 1998. Accompagné d'un nouveau batteur, Justin Wallis, ancien Elastica, ils ont sorti un nouveau 4 titres cette année, histoire d'avoir une excuse pour partir en tournée. Des fans sont venus de loin pour les voir exclusivement, de Paris sur la journée, et même d'Angleterre. Après deux chansons de mise au point, histoire de régler la balance et d'ajuster la voix, on est bon. Les effets sur les guitares, la batterie, la voix, donnent un aspect vaporeux à des chansons qui ont quand même une énergie pop, et le tout arrive contribue à créer une ambiance sympa dans des conditions pas faciles. D'abord le plein air n'est pas l'environnement privilégié pour des atmosphères comme celles-ci, et ensuite la pluie se met à être de la partie. Miki le dira elle-même, ils ne sont pas habitués à jouer en plein jour et cela leur fait un peu bizarre. La chanteuse/guitariste se montrera d'ailleurs particulièrement loquace, placant un petit mot entre chaque titre, que cela soit pour dédier un titre à sa fille ou pour demander au public s'il veut que la Grande-Bretagne sorte de l'UE. Ses petites notes d'humour donnent un côté sympathique au groupe et qui permet d'alléger une musique qui peut paraître austère a priori.

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Viennent ensuite les très attendus Air. Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel n'ont pas sorti d'album studio depuis 2009 est un "Love 2" passé plutôt inaperçu, mais ils ont beaucoup collaboré. Dernièrement, en 2012, ils ont mis en musique "Le Voyage dans la Lune" de Méliès et ont participé au projet Music for Museum en 2014, disque commandé par le musée des Beaux-Arts de Lille. Ils viennent de passer un mois en résidence à la Paloma, ils en ont profité pour peaufiner le conncert de ce soir. Sur scène, un énorme panneau lumineux à l'arrière de la scène et un jeu de lumière donnent un manteau aux compositions d'un groupe sobre, qui aura choisi une setlist assez inégale. Il faut dire que la musique de Air n'est pas vraiment entraînante, et que l'attitude du groupe, penché sur ses instruments et ne s'intéressant que peu à son public, n'aide pas beaucoup. Ceci étant dit, ils avaient choisi de mettre le son de batterie très en avant, ce qui n'était pas trop pour donner un peu de corps aux morceaux. Seules les titres les plus connus provoqueront quelques sursauts : "Playground Love", "Sexy Boy" et surtout "La Femme d'Argent" qui aura été un dernier pic d'intensité, réveilleront poncuellement un public au bord du baillement.

On se dirige maintenant vers la petite scène extérieure, où Cavern of Anti Matter travaille déjà. Il semblerait que ce petit trio electro-krautrock aie déjà discrètement fait parlé de lui. Ce mélange de sonorités parfois très tranquilles comme celles de Stereolab (groupe d'origine du guitariste Tim Gane, et d'autres plus énergiques avec un son rappelant parfois Add 'N' to 'X' ou Oneida accroche immédiatement le public. Il réagit à chaque accélération, danse beaucoup, pogote parfois. Cavern aura même le droit à un rappel, ce qui sera l'un des rares de ce TINALS.

C'est maintenant au tour de l'une des grosses têtes d'affiche de ce festival. C'est un Dinosaur JR comme beaucoup le connaissent qui se produit sur scène : un Jay Mascis désinvolte qui s'accorde sur scène mine de rien, qui arrache son jack et le branche sur une autre guitare sans couper le son. Qui chante et qui joue avec toute l'atitude mollassonne du mec qui se traine, mais qui est d'une précision technique et mélodique excellente. Et qui contraste totalement avec un Lou Barlow, au son de basse énorme, sautant partout comme un possédé et amènant un côté joyeux en chantant, certes comme une casserole, mais avec beaucoup d'enthousiasme. Après, le son de la guitare est un peu dégueulasse, mais il faut dire - attention pléonasme - que Dinosaur JR joue très fort. Le groupe fait la part belle aux titres archi-connus comme "Goin' Blind", "Start Choppin", "Freak Scene" et un magnifique "Out There", pour ne dispatcher que quelques titres de son dernier album, tout à fait dispensables.

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La journée de dimanche était de loin la plus chargée, avec une liste d'artistes à voir longue comme le bras et des chevauchements obligeant à de douloureuses concessions. D'ailleurs, on ne sera pas aidé avec un décalage de l'horaire de passage d'Unsane, ce qui permet de voir Metz en quasi-intégralité mais qui du coup se retrouve en même temps que Parquet Courts et Tortoise. Vous l'aurez compris, tenter de voir tous les trucs intéressants relevait de la gageure.
La journée a commencé par Metz qui a envoyé du gros décibel en alternants les titres de ces deux albums. Le groupe s'implique beaucoup sur scène, le set est bon et le public répond.
Ensuite c'est Drive like Jehu qu'il faut absolument aller voir. Tout juste reformés après 10 ans d'absence, ils font un court passage en Europe au milieu de quelques dates américaines. Dans une salle Paloma remplie de fans de la première heure comme de curieux venus voir le phénomène, ils font d'abord face à un public mitigé, sans doute écrasé par un volume sonore hallucinant et bien pourri à cause de quelques problèmes techniques. C'est bien dommage parce que Rick Froberg se donne à fond, il en perdra même sa voix. Le public mettra un peu de temps à se chauffer, mais ce sera quasiment l'hystérie pour le final et un "Do You Compute" en guise d'acmé, accompagné de pogos et de slam. Dommage, le set aura été trop court, et DLJ laissera un public chauffé à blanc qui réclamera, en vain, un rappel.

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L'intelligence dans la programmation de ce TINALS est d'avoir regroupé tous les groupes de rock le même jour, sans lesquels, d'ailleurs, on aurait eu un festival indie pop électro folk sympa, mais un peu mou du genou. En programmant Unsane, TINALS brasse large et fait fort. Le groupe crache un rock bien lourd et bien lent dans une salle archi bondée et conquise. Il faut dire que les places sont chères. En même temps c'est un peu idiot de les avoir fait joué dans cette salle de seulement 300 personnes, mais bon. Le temps de ressortir (ce qui est aussi difficile que de rentrer) on rate le début de Tortoise. Pour qui ne les a jamais vu en live, et c'est mon cas, c'est assez impressionnant : 2 marimbas qui se font face de chaque côté de la scène, 2 batterie l'une en face de l'autre au centre, une guitare, une basse et 2 samplers. Pour 4 personnes c'est beaucoup trop. Donc entre chaque morceau, chacun change de place : un coup au marimba, un coup à la batterie puis aux effets. Bref c'est un concert qui, non seulement, donne à voir, mais en plus d'une haute teneur. L'interaction entre les batteries donne une autre dimension aux compos, c'est joué avec un plaisir évident. A la fin, j'ai rencontré Fred, anthropologiste freelance (sic) qui est resté scotché face à ce groupe donc il n'avait jamais entendu parler, lui qui venait de Paris exclusivement pour Shellac. À 1000 lieues donc de cette musique pop jazz avant-gardiste généralement qualifiée de post-rock. On discute un coup, subissant Beach House de loin, puis, après m'avoir parlé de son groupe et de son sounclound, sans crier gare : "bon allez je vais me chercher une bière, salut !" on se fait la bise et hop il est parti. Marrant.

 

 

Mais c'est le moment de voir Shellac. Ils sont évidemment précédés d'une réputation bien énorme ; la grande salle est remplie. Le trio se présente de front, il faut dire que mettre un batteur comme celui-là en arrière-plan ce serait vraiment dommage, tant il dégage un charisme fort. Tout en improvisant la setlist au fur et à mesure, Shellac fait le show. Les compos sont enivrantes, écrasantes de répétition avec un son abrasif bien crado. Il est clair qu'on est plus dans la machinerie sidérurgique que dans la musique de conservatoire. La guitare de Steve Albini sonne comme une disqueuse attaquant une plaque de métal, Todd Trainer le batteur tabasse comme s'il avait des marteaux à la place des baguettes, et la basse a l'inéluctabilité d'un rouleau compresseur à plein régime.
Et le public ? On aurait pu dire qu'il n'était venu que pour Shellac : les pogos sont en continu, les slams s'enchainent les uns après les autres, dont une nana topless. Signe d' approbation générale, les verres sont jetés sur scène, à l'ancienne. A tel point que Bob Weston, le bassiste, remercira pour de tels cadeaux, "mais c'est bon, on en a suffisamment maintenant". Ne voulant pas froisser le bonhomme, mais ne sachant plus quoi foutre de leur verre, les mecs se mette alors à les balancer en l'air, encore remplis de bière bien sûr, c'est mieux.
Cette effervescence est d'autant plus enthousiasmante que le rythme du concert est complètement haché. Le groupe n'hésite pas à prendre son temps entre les titres, les chansons sont entrecoupées de longs temps morts parfois un peu ridicules, comme celui où il imite un avion en levant les bras. Mais dès que ça repart, le public réagit immédiatement. Et Shellac fait aussi preuve d'élements inattendus, comme pour le dernier titre, durant lequel Steve et Bob s'amusent à enlever un à un les éléments de la batterie alors que Todd continue à jouer. Et de conclure : "Bon on a vendre des tshirts sur le coté de la scène après. Mais si vous n'en vouler pas on s'en fout, venez quand même, on discutera." Faut-il le préciser ? Le concert était génial, grâce au groupe autant qu'au public qui a un peu déguindé une atmosphère de festival sympa mais convenue.


La conclusion ? Il ne faut pas conclure : dire ce que l'on pense de ce festival qui réconcilit avec les festivals en général, c'est lui faire une publicité qui verrait son affluence augmenter au risque de dénaturer son identité - même si ses créateurs ont l'air de particulièrement y tenir. Il ne faut pas dire qu'on adoré et qu'on a envie d'y retourner - c'est trop bateau. Ne pas féliciter l'équipe et les bénévoles sympas, c'est beaucoup trop bisounours networking. Et il faut oublier la qualité de sa programmation, pour être sans attente et encore positivement surpris l'année prochaine. Bisous

une chronique sur France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/coming/coming-11-juin-2016
Pas moins de 3 papiers à son sujet sur Gonzaï, tout simplement le meilleur festival rock de France pour XSilence , plus les articles élogieux de Longueur d'Ondes, d'ADA, de Konbini ou d'Indiemusic. Meme Télérama lui fait une petit éloge. TINALS plait à tout le monde.