Les 26 Sauces de Maître Saucier

colonie vacances maitre saucierIl faut parfois se remettre en tête que la musique est un art avant d'être une distraction. C'est un reflexe qui, très certainement, s'aquière, et qu'il faut avoir dès lors qu'une musique ne flatte pas nos oreilles immédiatement. Bien sûr, il y a sans doute beaucoup d'artistes qui font l'effort de proposer une musique à la fois originale et accessible. Grâce leur soit rendue. D'autres, ou les mêmes à un autre moment, font différemment, ou vont plus loin, avec d'autres outils, d'autres formats. C'est alors à l'auditeur de faire l'effort de réaliser le travail qui a été effectué avant de le juger. Il se donne alors les moyens de comprendre le projet artistique et peut-être de l'apprécier. Indubitablement, Les 26 sauces de Maitre Saucier rentrent dans cette deuxième catégorie, quoique l'effort soit minime et moult fois récompensé.

Au cours d'une résidence au Confort Moderne avec Greg Saunier, fondateur et batteur de Deerhoof, la formation musicale la plus iconoclaste depuis l'orchestre des 100 guitares de Glenn Branca a composé une partition qui a été ensuite jouée lors d'un unique concert. C'est à ce moment que ce disque est enregistré. Cette unique piste d'une quarantaine de minutes est bien plus qu'une simple découverte atypique : sur la forme comme sur le fond c'est une réussite intégrale.

Sur la forme d'abord : quatre groupes parmi les plus intéressants de la scène indépendante actuelle se lient au fondateur d'un groupe de ce que l'on ne présente plus pour composer puis jouer une création originale qui aura été mijotéee puis perfectionnée pendant 3 semaines. Une oeuvre qui sera jouée live et prise sur le vif, tel un happening. On pourrait avoir peur d'un avant-gardisme informe comme il pourrait en résulter de la colusion de deux univers qui doivent essayer de fonctionner ensemble: trop de tout, n'importe comment, comme cela a pu déjà être entendu maintes fois quand la mayonnaise ne prend pas.

Ici le résultat est la synthèse parfaite entre la musique de la Colonie de Vacances et de celle de Deerhoof, à savoir quelque chose d'indéfinissable, de complètement inspiré, une alternance de mélodies bien trouvées et de bruit pur. La musique est toujours mouvante, avec de brusques interruptions qui interviennent pour créer un véritable typhon sonore ou au contraire une plage de calme nappée d'une mélodie, tantôt touchante, tantot anguleuse.
Chacune des parties a gagné en clarté et en cohésion. Cette oeuvre est un mouvement en elle-même, au sens classique du terme. Un parallèle peut d'ailleurs être fait, avec ses allegro ma non troppo, ses fortissimo et un superbe andante qui débute à la 36ème minute et constitue certainement le point d'orgue de cette mixture.

Le plaisir évident de jouer déborde de ce grand instrumental. La musique y est brute, directe et communicative. Donc instinctive, mais réfléchie. Cet album débordant d'idées est une nouvelle étape dans les aventures de la Colonie dans son exploration inédite de la quadriphonie.