Parquets Courts - Sunbathing Animal

 

Après une collection de titres rassemblés sous le nom d'American Specialties en 2011 et un véritable premier album, Light Up Gold, qui a fait parler d'eux, cette suite semble à peu prêt mettre tout le monde d'accord : on a affaire à quelque chose, le potentiel d'un très grand groupe est là. L'unanimité est telle qu'elle en devient gênante. Gonzai, Télérama, Pitchfork, Inrocks, Stereogum, Mowno : tous saluent l'effort.
Sauf que ce qui saute à l'oreille à la première écoute comme aux suivantes, c'est une musique calibrée et retenue qui semble tout droit sortie d'une étude marketing.

Il ne faut pas compter sur les 4 premiers titres pout se forger un avis, les petits malins ont mis tout ce qu’ils avaient dans leur sac au début de leur album, histoire de paraitre les premiers de la classe. Est-ce pour mieux ressortir sur Spotify, puisque d'après une étude l’écoute d’un disque s’arrête après les premiers titres ? Alors, pour ceux qui n'auront pas le courage d'aller au delà, un petit florilège :
"Instant Disassembly": le thème est usé jusqu'à la corde mais après tout, pourquoi pas. De là à l'étirer sur plus de 7 minutes sans aucun changement... Ils remettent d'ailleurs le couvert sur "Ducking and Dodging", qui donne simplement envie de planter la tête du chanteur sur le cou d’un canard et de l’étrangler. Ils font plus simple sur "Always back in town", en ne répétant plus qu'un seul accord, constamment. Résultat : jamais 2'36 n'auront paru aussi longues. Quant à "Dear Ramona", c'est une pitoyable imitation d'un groupe lo-fi des 90's (tiens, pomper ce genre de groupe voila aussi quelque chose à la mode) qui ne mérite pas d'être accolé à ce truc. Remarquez comme le chanteur chante faux bien exprès. La question est : a-t-il utilisé Autotune pour arriver à un résultat aussi constamment mauvais ? Je m'arrête là.

Il y a du Weezer et du Blur dans Parquet Courts. C’est même parfois de la copie. Certains citent Pavement, mais c'est faire une fleur bien trop grosse qui leur est faite : ils aimeraient sonner comme Pavement, ils aimeraient prendre la place laissée par Pavement. A d'autres. Dans le lot des critiques dithyrambiques, on a le droit à d'autres comparaisons ridicules : Sonic Youth, mais eux on les associe à peu prêt à n'importe quoi pour peu qu'il y a un larsen qui traine. Et les Strokes, parce que les deux groupes sont de Brooklyn. Voyez comme c'est facile.

Aaaaaaaaaah que voilà une musique parfaite pour donner un peu d'excitation à un lot de jeunes branchés et de hipster qui, en entendant vaguement "Bodies Made Of", lèveront le nez pour crier «c’est géniaaaaaaaal !» avant de replacer leurs lunettes et se re-cogner le nez sur leur écran d'iphone. La cible typique de Parquet Courts ? Une certaine jeunesse, à la fois ancrée dans la bourgeoisie dont elle est issue et dans une forme d'agitation pas vraiment contestataire mais à volonté de différenciation - ce qui ne l'empêche pas de consommer outrageusement les plaisirs du capitalisme. Parquet Courts, pour la faire rapide, serait une sorte d'hybride qu'un adolescent pourrait s'approprier tout en le faisant écouter à des parents qui seraient, eux, ravis de partager avec leur enfant cette musique un peu "punchy" .

Ce côté trans-générationnel est une aubaine pour eux car , à l'instar de Cloud Nothings et autres poissons pilotes, cela leur permet d'agiter le web pendant quelques jours, voire quelques semaines à coup d'une forme de power pop qui s'énerve un peu plus parfois – pour donner une impression d'authenticité. C'est toujours l'occasion aux medias de mettre le mot 'punk' dans leur revue, diluant ainsi un peu plus la signification d'un mouvement contestataire majeur dans l'eau déminéralisée. Remarquez bien que c'est ce que ce genre de groupes recherche : il s'agit de capitaliser sur les premières semaines avant que le soufflé ne retombe et que tout le monde passe à autre chose en les oubliant complètement ... jusqu'à la prochaine sortie.

Après, c'est toujours un peu déstabilisant de voir que tout le monde salue d'une même voix un album que l'on déteste. On oscille forcément entre deux pôles au milieu desquels la situation ne reste pas confortable. Soit on est complètement à coté de ses pompes, on loupe un truc, une référence géniale que l'on a pas vue, un deuxième degré qui nous passe à côté et nous laisse con. Possible, mais alors pourquoi n’en trouve-t-on aucune trace nulle part ? Plus on recherche et plus l’absence de raisons pesées pour valider cet album est évidente. Alors on se dit qu’il est possible que les publications sur Internet, à force de pression des labels et de volonté de ne pas passer à côté du prochain groupe planétaire, pourrait avoir une tendance à lever le pied sur la critique, à tourner ses phrases d’une façon moins désobligeante, au risque de devenir tiède. Après tout, formuler de façon plus positive est toujours plus agréable au lecteur, et donc, plus vendeur.

Sauf que voilà, l’avis est forgé et se renforce au fil de pénibles écoutes. Il devient de plus en plus difficile de comprendre l'engouement autour de ce disque, mais tant pis. Il n'y a pas de quoi s'insurger ni crier au complot. Pas de quoi porter un jugement. Simplement de souhaiter que parfois, l'industrie musicale ait un peu plus de nouveauté à proposer et d'exigence envers elle-même.

 2014 - Rough Trade Records