Stephen Malkmus & The Jicks - Wig Out the Jagbags

 

Wig Out At JagbagsVoici donc le sixième album studio de Stephen Malkmus depuis la séparation de Pavement, à la veille des années 2000. Depuis, avec une régularité d'horloger, Stephen Malkmus a sorti tous les deux ou trois ans des albums qui, sans casser la baraque, n'ont pas complètement déçu non plus, puisque ancrés dans un pop-rock lumineux et léger – dans lequel on aime retrouver, il faut le dire, un peu de la particularité de Pavement. Stephen Malkmus a définitivement gardé ces sonorités fuzz et crunchy tout en lorgnant vers une pop plus respectable. Ses compositions sont restées débraillées mais équilibrées dans un exercice de songwriting parfaitement maîtrisé.

Après son premier album sorti en 2001, sobrement éponyme et fait des cendres du dernier album de Pavement Brighton the Corner, il a quelque peu fait évoluer son style tout en restant hautement estimé par la critique. Il a été voir du côté de la folk et du rock psychédélique, notamment sur Real Emotional Trash, ce qui en dérouté quelques-uns, et ce même s'il avait déjà commis le forfait sur Pig Lib avec un "(Do Not Feed The) Oyster" grandiose et caractéristique : longues parties instrumentales, utilisation des effets propres au style, pistes inversées, paroles surréalistes. Mirror Trafic, arrivé juste après en 2011, a remis tout le monde d'accord en revenant sur un rock indé soft beaucoup plus classique – ce qui signifie aussi beaucoup plus rapidement accessible.

Pour Wig Out the Jagbags, l'opus qui nous intéresse aujourd'hui, et avoir une idée de ce qu'il faut de ce qu'il peut donner, il suffit de reprendre les éléments Malkmusiens, de tout mettre dans un pot et d'agiter bien fort. Ça devrait donner un joyeux bordel, me direz-vous. C'est pas faux. Mais il se pourrait aussi que dans le mélange, Stephen aie mis un peu trop de spontanéité. Ce qui veut dire, en langage artistique, de laisser-aller et son pendant négatif, la flemme. Pour un artiste, il est difficile de ne pas tomber dans la facilité dès lors que l'on a décidé de ne pas se prendre la tête. Et dans ce cas précis, il se peut que Malkmus se soit pris les pieds dans le tapis. Il a déclaré haut et fort s'être laissé inspirer par tout ce qui venait à lui pendant son séjour à Cologne. OK. On peut très bien écrire de très bonnes choses en ayant juste le nez au vent. Mais on peut très bien prétendre vouloir faire du cut-off ou du dadaïsme en alignant des paroles sans rapport entre elles, sans que cela en soit. La spontanéité à ses limites.

Et du coup, quelques bonnes exceptions mis à part ("The Janitor Revealed", "Shibiboleth", "Scattegories") qui se révèlent parfaitement à la hauteur des précédents albums, le reste sent fortement le manque d'inspiration caractérisée. Les titres s'alignent sans attirer plus l'intérêt que ça. Du Stephen Malkmus de second service. Un manque de vigueur désolant quand on constate que les éléments sont pourtant tous bien là : particularité de la structure des chansons, densité de l'instrumentation, la guitare qui suit le chant et la voix de Malkmus, bien sûr.

Si certains titres sont pourvus d'une touchante candeure, comme lorsqu'il raconte sa jeunesse en musique sur "Lariat" ou en chantant l'amour frais sur "Houston Hades", ça va bien 5 minutes. Pire, à l'écoute de "J.Smoov" et de "Rumble at the Rainbo", il est très facile de penser à du Weezer (groupe qui incarne, parmi d'autres, tout ce qui aurait pu parfaitement réussir mais qui a lamentablement foiré), tellement ennuyeux. Quasi-pareil pour un "Surreal Teenagers" qui parait interminable. Triste manière de terminer un album.

L'ennui est si profond, qu'il donne envie de revenir vers ces anciens albums, histoire de vérifier si l'on n'a pas été pris d'une longue hallucination auditive. Mais non, la discographie est riche et ne se donne pas forcément à la première écoute, pour finir par vous coller sans que vous ayez envie de vous en dépêtrer, sa richesse tenant à ses soubresauts inattendus qui étonnent tout du long. Etonner, une capacité qui a une certaine tendance à disparaître ces temps-ci…

2014 - Matador records